22/05/2021
Tunisie

Un système unique de culture sur sable pour contrer la pénurie d'eau

Pommes de terre, laitues et oignons poussent sur des parcelles sableuses de bord de mer : dans une bourgade du nord de la Tunisie, des agriculteurs s'efforcent de préserver une technique ancestrale mais délicate d'irrigation à l'importance accrue face aux pénuries d'eau. "Ce n'est pas une terre qu'on cultive pour le profit, mais pour l'art et le plaisir", clame Ali Garci, un instituteur à la retraite, qui exploite un hectare de terrain hérité de sa famille, à Ghar el Melh, village de pêcheurs situé à une soixantaine de kilomètres de Tunis.

Les "ramlis" sont des parcelles sablonneuses créées au XVIIe siècle par la diaspora andalouse pour pallier le manque de terres cultivées et d'eau douce. Aujourd’hui, elles nourrissent plus que jamais les habitants de la bourgade. Ces cultures sur sable, qui s'étendent sur environ 200 hectares, ont été inscrites l'an dernier au patrimoine agricole mondial de la FAO, qui les considère comme uniques au monde. C’est aussi une façon d'encourager les quelque 300 agriculteurs à prendre soin de ce patrimoine menacé, alors que peu de jeunes sont prêts à prendre la relève. Entre mer et falaises, la côte méditerranéenne de Ghar el Melh est bordée de lagunes d'eau salée. L'eau de pluie ruisselle des collines vers les terrains sablonneux entourant les lagunes, où elle reste piégée au-dessus d'une couche d'eau salée. Les légumes plantés là plongent leurs racines jusqu'à cette fine couche d'eau douce, qui remonte dans le sable deux fois par jour, poussée par les marées. "C'est comme si la mer allaitait ses petits", explique Abdelkarim Gabarou, qui pratique la culture sur sable depuis 46 ans. Ce système permet de cultiver toute l'année sans irrigation artificielle, en produisant jusqu'à 20 tonnes par hectare, et sans puiser dans les réserves de la nature. "Nous dépendons totalement de l'eau de pluie, qui nous fait vivre. Nous tentons de la préserver le plus naturellement possible", explique Ali. Les agriculteurs de Ghar el Melh vivent ainsi dans le souci constant de préserver ce système "fragile", menacé notamment par les dérèglements climatiques qui accentuent l'irrégularité des précipitations et font monter le niveau de la mer.

La FAO estime que la Tunisie dispose annuellement de 403 mètres cubes d'eau par habitant, bien en deçà du seuil de 1 000 mètres cubes d'eau renouvelable nécessaires pour qu'un système d'irrigation soit pérenne. L'agriculture irriguée pompe 80 % des ressources hydriques du pays, signe de l'importance de développer une agriculture aussi économe que possible en eau, une rareté absolue dans la région.

Libération (Casablanca) – AllAfrica